Le mot espèce apparaît tout d'abord dans une attestation isolée au 12e siècle comme terme religieux au sens de « signe, révélation (de Dieu) ». Au 13e siècle, il est relevé au sens général de « sorte, catégorie » et dans la littérature didactique, il est employé pour désigner le genre humain. En philosophie, au début du 14e siècle, le terme est utilisé par spécialisation du sens d'« apparence », pour exprimer « l'image extérieure des objets affectant les sens et y produisant le phénomène de la perception », puis sert en théologie pour désigner d'abord au singulier (depuis 1545), et ensuite au pluriel (depuis 1656), le corps et le sang de Jésus-Christ, sous les apparences du pain et du vin dans le sacrement de l'eucharistie. Le terme est introduit dans les sciences naturelles au 18e siècle par le physicien et naturaliste René Antoine Ferchault de Réaumur [1683-1757] à travers l'un de ses ouvrages majeurs, ses Mémoires pour servir à l'histoire naturelle des insectes paru de 1734 à 1742.
Pour les naturalistes du 18e siècle, « ce n'est ni le nombre ni la collection des individus semblables qui fait l'espece, c'est la succession constante & le renouvellement non-interrompu de ces individus qui la constituent : car un être qui dureroit toûjours ne feroit pas une espece, non plus qu'un million d'êtres semblables qui dureroient aussi toûjours. L'espece est donc un mot abstrait & général, dont la chose n'existe qu'en considérant la nature dans la succession des tems, & dans la destruction constante & le renouvellement tout aussi constant des êtres ». Quant à Darwin [1809-1882], il explique que les espèces descendent les unes des autres, par le moyen de modifications sélectionnées et transmises. D'après la conception darwinienne, l'espèce est une entité localisée dans le temps et dans l'espace. De nos jours, certains biologistes définissent les espèces non seulement en termes de morphologie, mais aussi sur la base de l'isolement reproductif. Ainsi, une espèce est un groupe de populations naturelles interfécondes qui est, en ce qui concerne sa reproduction, isolé des autres groupes de même nature. Cette définition est limitée dans la mesure où la réalité d'une espèce dans la nature peut être extrêmement complexe. |